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DISSOLUTION DE LA SOCIETE : UN RAPPEL DE L'ETAT DU DROIT ET DE LA JURISPRUENCE

Le 16 janvier 2020

 

DISSOLUTION DE LA SOCIETE : UN RAPPEL DE L’ETAT DU DROIT ET DE LA POSITION DE LA COUR DE CASSATION

 

Il y a lieu, en complément d’un précédent article,  de faire quelques observations tirées du code civil, et de la jurisprudence de la Cour de cassation, sur la question du cas de  la dissolution de la société.

Tout d'abord, l'article 1844-7, 5° du code civil (modifié par Ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 - Art.100) dispose : 

"La société prend fin : (...) 5° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ;

 

Il y a donc deux cas : 

- soit inexécution de ses obligations par un associé ; 

- soit mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société. 

 

I - EN CAS D'INEXECUTION DE SES OBLIGATIONS PAR UN ASSOCIE LA PARALYSIE DU FONCTIONNEMENT DE LA SOCIETE EST REQUISE

Un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation rejetait le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel qui avait prononcé la dissolution d’une société dont le fonctionnement était paralysé tant en raison de l’inexécution de ses obligations par une associée que de la mésentente entre les différents associés (Cass. com., 21 juin 2011, n° 10-21928, Bull. IV, n° 106).

Simplement, le titrage et le résumé de cet arrêt étaient les suivants :

« SOCIETE (règles générales) – Dissolution – Causes – Demande d’un associé – Justes motifs – Inexécution de ses obligations par un associé – Conditions – Inexécution paralysant le fonctionnement de la société

 L’inexécution de ses obligations par un associé permet en application de l’article 1844-7 5° du code civil, le prononcé judiciaire de la dissolution anticipée de la société pour juste motif, à la condition qu’elle paralyse le fonctionnement de la société »

La paralysie de la société est donc requise en cas d’inexécution de ses obligations par un associé.

 

C’est ce que Maître Vincent GIMENEZ, Avocat à MEAUX et à MONTHYON, rappelait et mettait en exergue dans un précédent article.

 

La Chambre commerciale de la Cour de cassation juge par l’arrêt commenté que: 

 « l’inexécution de ses obligations par un associé ne permet, en application de l’article 1844-7, 5°, du code civil, le prononcé judiciaire de la dissolution anticipée de la société pour juste motif qu’à la condition qu’elle paralyse le fonctionnement de la société ; que le moyen, qui postule le contraire, manque en droit ».

La solution prise par la Cour de cassation en 2011 est réaffirmée, avec constance, en 2018.  

En effet, dans son arrêt du 3 mai 2018 (N° 15-23456), la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation rappelle dans l'attendu principal de son arrêt : 

"Mais attendu que l'inexécution de ses obligations par un associé ne permet, en application de l'article 1844-7, 5°, du code civil, le prononcé judiciaire de la dissolution anticipée de la société pour juste motif qu'à la condition qu'elle paralyse le fonctionnement de la société ; que le moyen, qui postule le contraire, manque en droit".   

En l'occurrence, l'auteur du pourvoi en cassation, Mme Z.., faisait grief à l'arrêt de la Cour d'appel de PAU du 16 juin 2015 d'avoir rejeté sa demande de dissolution de la société Adéquation patrimoine alors que, selon Madame Z,  la dissolution anticipée de la société peut être demandée en justice pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé. 

La Cour de cassation rejette le pourvoi de Mme Z, en réaffirmant que l'inexécution par un associé de ses obligations ne permet, en application de l'article 1844-7,5° du code civil, d'obtenir le prononcé judiciaire de la dissolution anticipée de la société pour juste motif qu'à la condition qu'elle paralyse le fonctionnement de la société. 

II - MESENTENTE ENTRE ASSOCIES PARALYSANT LE FONCTIONNEMENT DE LA SOCIETE

Lorsque la dissolution est demandée uniquement pour mésentente entre associés, cette mésentente ne peut pas être prise en considération comme seul motif de la dissolution, quand bien même les associés, seraient-ils associés à part égale.

Il faut en plus que cette mésentente paralyse le fonctionnement de la Société. 

Un arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 21 octobre 1997 (N° Pourvoi : 95-21156) offre une illustration de ce principe :

"Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 septembre 1995) que le docteur X..., associé égalitaire aux côtés de la clinique Sainte-Catherine dans la SARL Société nouvelle de la clinique Saint-Luc (la clinique Saint-Luc), a demandé la dissolution anticipée de la société pour mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de celle-ci ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir refusé de faire droit à cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte de l'article 1844-7 5° du Code civil, que la dissolution anticipée d'une société peut être prononcée en justice " pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société " ; qu'en considérant restrictivement que la dissolution ne pouvait être prononcée qu'en cas de mésentente entre les associés aboutissant à une paralysie de fonctionnement de la société, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; alors, d'autre part, que, du même coup, en s'abstenant de rechercher si la mésentente patente entre les associés égalitaires, qu'elle a d'ailleurs constatée, ne suffisait pas à caractériser un juste motif de dissolution anticipée de la société au sens de l'article 1844-7.5° du Code civil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ; alors, enfin, que, en toute hypothèse, en s'abstenant de rechercher si, derrière l'apparence d'un fonctionnement normal de la société, la mésentente  entre les associés égalitaires, qu'elle a dûment constatée, n'aboutissait pas, en réalité, à une paralysie du fait de l'impossibilité d'envisager tout investissement ou concours financier nécessaire à la pérennité de l'entreprise et exigeant l'accord unanime des deux associés que refuse systématiquement la clinique Sainte-Catherine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7.5° du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, à laquelle il n'était demandé de prononcer la dissolution de la clinique Saint-Luc que pour mésentente entre associés, retient, à bon droit, que cette mésentente n'est une cause de dissolution que dans la mesure où elle a pour effet de paralyser le fonctionnement de la société ; qu'ayant relevé qu'une telle paralysie n'était pas démontrée par les faits de l'espèce, la cour d'appel, qui ne pouvait retenir la mésentente entre associés, fussent-ils associés à part égale, comme seul motif de la dissolution, a justifié sa décision au regard de l'article 1844-7.5° d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi"

 

Dans un arrêt récent du 9 janvier 2019 (N° de pourvoi: 17-10656), la Cour de cassation a cassé et annulé en totalité un arrêt d'appel qui avait prononcé la dissolution au motif que le gérant ne démontrait pas avoir tenu d'assemblée générale entre la constitution de la société et 2004, ni avoir soumis aux associés un rapport sur les opérations et les comptes de la société, un bilan ou des projets de résolution, ni encore avoir dressé un inventaire annuel du passif et de l'actif, et que, lors de l'assemblée générale du 8 juillet 2005, le gérant n'avait pas été reconduit dans ses fonctions, faute de majorité. 

Ainsi, la Haute Cour dans son arrêt précité du 9 janvier 2019  a cassé et annulé l'arrêt d'appel en considérant que ces motifs étaient impropres à établir que la mésentente entre les associés paralysait le fonctionnement de la société :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche : 


Vu l'article 1844-7, 5° du code civil ; 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Groupement foncier agricole familial Romain Y... (le GFA) a été constitué, en février 1990, entre MM. Robert, Michel, Marc, Luc, Bertrand Y... et Mme Sylvie Y... ; que M. Robert Y... a cédé ses parts sociales à ses enfants, Luc et Marc, aux termes d'une donation-partage du 27 décembre 2005 ; que MM. Michel et Bertrand Y... et Mme Sylvie Y... ayant demandé en justice la dissolution  anticipée du GFA pour mésentente entre les associés paralysant le fonctionnement de celui-ci, MM. Marc et Luc Y... s'y sont opposés ; 

Attendu que pour prononcer la dissolution du GFA, l'arrêt retient que M. Marc Y..., désigné premier gérant de celui-ci lors de sa constitution en 1990, ne démontre pas avoir tenu d'assemblée générale entre cette date et 2004, ni avoir soumis aux associés un rapport sur les opérations et les comptes de la société, un bilan ou des projets de résolution, ni encore avoir dressé un inventaire annuel du passif et de l'actif, seules les déclarations relatives aux revenus perçus par le GFA au cours des années 2014 et 2015 étant versées au débat ; qu'il relève que, lors de l'assemblée générale du 8 juillet 2005, le gérant n'a pas été reconduit dans ses fonctions, faute de majorité ; qu'il ajoute que cette situation est inextricable, chaque branche de la famille possédant la moitié des parts sociales ; 


Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la mésentente entre les associés paralysait le fonctionnement de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; 


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : 


CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ; 


Condamne MM. Michel et Bertrand Y... et Mme Sylvie Y... aux dépens ; 

 

 

En tout état de cause, Maître Vincent GIMENEZ Avocat à MEAUX et à MONTHYON qui saura vous accompagner en cas de difficulté avec votre ou vos associés, rappelle :

- qu’il a été jugé que la mésentente entre des associés, dont l’un était seul responsable, ne peut constituer pour celui-ci un juste motif l’autorisant à demander la dissolution anticipée de la société. (Cass. Civ. I, 25 avril 1990, n° 87-18675)

- et que l'action en dissolution exercée par un associé fautif peut même aboutir à sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour abus dans l’exercice du droit d’agir en dissolution de la société (Cass. Com., 14 décembre 2004, 02-14749).

 

Bien entendu, le Cabinet VGAVOCAT par l’intermédiaire de Maître Vincent GIMENEZ, Avocat à MEAUX et à MONTHYON pourra mettre à votre service ses compétences en la matière en faisant valoir l’état du droit positif et l'existence de ces jurisprudences, pour vous conseiller, vous assister et vous représenter dans toutes vos démarches tant amiables que contentieuses ou judiciaires.